Je vais essayer d’être un peu bref car ce serait bien que l’assemblée ait le temps de réagir.
C’est vraiment dommage qu’on n’ait pas pu avoir la suite de la hiérarchie de l’institution parce que je crois qu’après les interventions de notre collègue I.E.N. et de notre collègue I.P.R., l’intervention de la D.A.F.P.E.N. - enfin d’un délégué académique à la formation continue - aurait été vraiment intéressante de même que celle d’une personne de la Direction Générale de l’Enseignement SCOlaire. Je vais essayer de réagir sur les éléments qui ont été donnés et de les intégrer dans un autre schéma ou dans une autre structure. Ce sera peut-être un peu politique mais je crois qu’on ne peut pas s’éloigner de cet aspect politique - d’ailleurs Marc Fort ne s’en est pas privé.
Le constat est que la formation continue est sinistrée. Je crois qu’il n’y a pas que la formation continue qui est sinistrée, la formation initiale n’est pas dans un très bon état et risque de l’être encore moins prochainement. La formation continue est donc sinistrée, elle est sinistrée à plusieurs niveaux, je ne vais pas revenir sur ce qui a été dit précédemment que je partage en grande partie. En grande partie, la question de la motivation des enseignants pour aller suivre cette formation continue est révélateur de ce qui se passe. A cet égard, le cas des PE est édifiant ; quand il y a moins de 8% des professeurs d’écoles qui sont prêts à répondre à de stages de formation continue, c’est inquiétant. Je dois témoigner que dans mon académie et dans mon département, il y a des stages qui sont proposés aussi et qui ne trouvent pas acquéreur, c’est-à-dire qu’aucun professeur d’écoles ne ressent le besoin d’aller suivre cette formation alors que la formation est donnée, comme le rappelait le collègue dans un groupe départemental et que tous les éléments sont construits. Et personne ne veut y aller. C’est un élément qui doit alerter l’institution. Pour les professeurs de lycée et de collège, c’est un peu différent, mais pas tellement, c’est-à-dire que la formation existe, elle est ce qu’elle est, il y a une structure effectivement avec des appels d’offres, des opérateurs qui répondent qui sont essentiellement l’I.R.E.M. pour les formations en mathématiques, là je crois que la place de l’I.R.E.M. est reconnue.
Sur la place de ces formations - René Cori l’a rappelé aussi, ça été en fait rappelé multiplement -, elle est très insuffisante et cette insuffisance est épinglée par d’autres organes que ceux représentés ici. J’ai apporté un rapport qui a une importance de plus en plus grande dans l’organisation des systèmes éducatifs, notamment en Europe, puisque ce document provient de la Commission des Communautés Européennes. Il épingle la France pour son déficit en formation continue. Alors, je n’ai pas tous les chiffres nationaux précis et c’est pour ça que ça aurait été intéressant qu’un délégué académique puisse les donner mais je les connais en gros dans mon académie. Dans mon académie, qui représente 2000 enseignants de mathématiques - c’est un peu plus petit que l’académie de Lyon -, le nombre de jours-stagiaires, puisque c’est l’unité internationale pour calculer la formation continue, le nombre de jours stagiaires affectés aux mathématiques est de 800 jours-stagiaires, pour 2000 professeurs. Connaître ce chiffre est cependant insuffisant parce qu’il faut aussi connaître l’intégrale : il faut savoir combien de professeurs sont touchés par la formation continue sur la durée , sur 3 ans, sur 4 ans, sur 5 ans. Ces calculs avaient été faits dans mon académie aussi. De plus, c’est un peu toujours les mêmes qui viennent dans les stages de formation. C’est une autre source d’inquiétude, pourquoi est-ce ainsi ? Sur un volume aussi réduit, l’efficacité du système va nécessairement être mauvaise.
Dans les recommandations, qui sont faites par la Commission Européenne, il n’y a pas de maximum qui soit donné à la formation continue, il y a des minima par contre, que l’on retrouve dans d’autres projets de loi, notamment un projet sur le « droit individuel à la formation » qui touche toutes les formations professionnelles et qui est de 20 heures par an. 20 heures par an pour un service de stages - un stage c’est 6 heures par jour - cela représente entre 3 et 4 jours, disons 3,5 jours, ce qui représente pour 2000 enseignants 7000 jours-stagiaires à comparer avec les 800 jours-stagiaires actuels. Sur les recommandations qui sont données, il y a des principes communs qui ont été identifiés et ce rapport que j’ai pris, je le trouve particulièrement intéressant parce qu’il est inscrit dans quelque chose qui s’appelle le « processus de Lisbonne », processus qui est largement à l’origine de la plupart des réformes qui arrivent actuellement à l’éducation nationale. J’aimerais que l’institution et notamment les plus hautes instances, réalise que les indicateurs sur lesquels ils veulent s’appuyer ne sont pas ceux qui sont demandés par la Commission Européenne. Je vous lis un petit paragraphe de la partie « éducation et formation tout au long de la vie :
« La formation initiale ne peut donner aux enseignants toutes les connaissances et compétences nécessaires pour effectuer une carrière complète dans l’enseignement. La formation et le perfectionnement professionnels de chaque enseignant doivent être considérés comme la tâche de toute une existence et doivent donc bénéficier de structures et de ressources adéquates. Les dispositions prises pour offrir aux enseignants les études et la formation ultérieure appropriée seront plus efficaces si elles sont coordonnées au sein d’un système cohérent au niveau national et dotées d’un financement suffisant. La méthode idéale consisterait à instaurer un processus ininterrompu de formation des enseignements qui engloberait la formation initiale, une période d’intégration dans la profession et un perfectionnement professionnel mené tout au long de la carrière à l’intérieur duquel serait aménagé etc., etc. »
Reprenons « offrir aux enseignants des études et des formations appropriées », dans « un système cohérent au plan national » et non pas au plan local et un « financement suffisant ». Mettons-le en regard d’un constat qui avait été fait lors du colloque de l’Académie des Sciences, et que l’exposé de Saïd Belmehdi et de Patrick Frétigné sur le fonctionnement des Plans Académiques de Formation mettra également bien en lumière : les formations sur les plans académiques sont illisibles, la formation est atomisée, il n’y a pas de cohérence ni de continuité entre les différentes composantes de la formation. Je vous alerte, j’alerte toute la communauté, nous ne sommes pas sur les bons indicateurs, ce qu’on nous demande c’est précisément le contraire.
Les derniers points de réaction c’était, parmi les points je dirais de nature politique, dont a parlé Marc Fort, j’en ai retenu trois ; deux dont je dirais qu’ils m’inquiètent fortement, le troisième je pense moins inquiétant, c’est plutôt sur l’ambition commune qu’on peut avoir.
Le premier c’est la question que la culture est rejetée sur le péri-éducatif et je crois, effectivement, que c’est un des problèmes que l’on rencontre et je crois que si on fait un métier dans lequel, la progression dans ce métier, l’amélioration de notre pratique dans ce métier est basée sur le travail personnel des collègues, c’est une catastrophe. C’est une catastrophe pour le métier, c’est une catastrophe pour l’institution, c’est une catastrophe pour le pays.
Le deuxième point concerne l’implication moindre de la communauté universitaire dans l’éducation ou dans les projets de programme, ou d’enseignement, en particulier pour les mathématiques. J’ai lu récemment - je ne l’ai pas lu complètement - un ouvrage intéressant qui s’appelle « Du scribe au savant » [1] sur l’évolution des métiers de l’enseignement et d’enseignants-chercheurs en particulier. Je crois que c’est aussi une dérive inquiétante, confortée par l’arrivée de l’informatique dans le champ de la recherche, c’est que l’on essaye de nous changer le métier d’enseignant-chercheur, on essaye de changer ce qu’est la recherche, ce qu’est l’enseignement supérieur ; ces idées sont identifiées au niveau mondial : l’enseignant-chercheur est en train de dériver vers le chercheur-entrepreneur. Si c’est le chercheur-entrepreneur qui doit influer sur le système éducatif, je crois que l’on change aussi considérablement les objectifs de l’éducation. L’informatique est très liée au milieu industriel, beaucoup plus que ne l’étaient les mathématiciens qui se sont investis dans les réformes éducatives dans le passé, que ce soit Emile Borel ou que ce soit, dans les périodes plus récentes, Gustave Choquet ou André Lichnerowicz. Je crois qu’il faut considérer ces changements avec une certaine attention.
Le dernier point dont j’ai dit qu’il m’inquiète moins c’est celui du budget et là aussi il faut essayer d’avoir des réponses qui ne sont peut-être pas celles qui sont dans l’air du temps. Il y a quelque chose que je ne comprends pas, dans la question du budget, c’est pourquoi les budgets de l’éducation devraient être décroissants alors que, partout, la logique économique est sur la croissance. Comment se fait-il que l’on doive faire décroître le budget de l’éducation nationale alors que le budget global doit être croissant ? Ça c’est un problème que je ne comprends pas, je ne suis pas économiste et j’ai du mal à le saisir.
Voilà, je vais m’arrêter là, j’avais une suite dans mon intervention qui était « et pourtant il existe les I.R.E.M. » c’est-à-dire que les I.R.E.M. sont une réponse à une grande partie des questions que j’ai évoquées, notamment, sur la question d’avoir une structure nationale cohérente qui permette de réguler la question de la formation continue.
Suite de la table ronde : interventions, questions et réponses
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