Je voudrais poser une question sur la façon dont peut se concevoir la formation continue en terme de dispositif qui travaillerait sur des temps qui ne sont pas forcément hors du temps de la classe et interrogerait la didactique, les contenus. Il me semble que développer une formation continue pertinente adaptée, c’est aussi penser l’interaction entre des temps de formation continue et des temps de travail qui permettent également d’organiser les échanges et des espaces de mutualisation entre enseignants.
Je m’explique au travers d’un exemple qui, certes, n’est pas un modèle, mais qui fonctionne depuis quelques années déjà sur l’académie de Lyon - il faut noter que même au niveau de l’académie, la réponse proposée dans les trois départements est différente.
Je pense, en particulier, à un groupe I.R.E.M. qui fait travailler ensemble des enseignants du 1er degré en charge de formation donc des conseillers pédagogiques, des professeurs du 2nd degré au sens large et des universitaires sur les approches des connaissances à construire et la didactique autour de ces connaissances à construire à l’école et au collège, typiquement la construction des nombres.
Il s’agit d’explorer ce passage du nombre entier au nombre décimal, du nombre décimal au nombre rationnel, de bien travailler les situations d’enseignement qui révèlent aux élèves qu’à certains moments il y a des ruptures dans les connaissances qu’ils ont et que, nécessairement, les pistes, les argumentations, les justifications qu’ils pouvaient développer, à moment donné, ne seraient plus valables à un autre moment pour construire, justement d’autres notions.
Ce qui est intéressant dans ce travail, c’est qu’il s’adresse à des responsables de formation - donc on est aussi sur une logique de formation de formateurs - et que les formateurs conseillers-pédagogiques qui participent à ce groupe, peuvent en transmettre les résultats dans les écoles dans leur travail de conseil et démultiplier en quelque sorte la formation qu’ils ont eux-mêmes reçue et construite.
Il me semble que si il y a des propositions à faire, il faut aussi penser cette articulation entre temps de formation continue, temps de travail, les deux n’étant pas à déconnecter l’un de l’autre car ce sont deux temps de travail professionnel. Alors, c’est une question, une remarque et une piste. Je pense que l’évidence de la piste fait que cela a déjà été pensé, très certainement.
René Cori :
Oui, alors je suis d’accord sur 93% de ce que tu as dit. Pour moi, évidemment quand je dis formation continue c’est pas aller s’asseoir dans un amphi et aller écouter un professeur pendant tout ce temps-là en jurant à tout le monde qu’on ne mettra plus les pieds au collège ou au lycée pendant cette période-là. Ce n’est pas du tout comme ça que je l’entends ; la formation, elle est ce qu’elle est et nous avons tous ici une certaine expertise, nous savons à peu près tous comment ça marche et nous savons tous, bien entendu, que cela comporte des phases de retour sur le terrain, etc. Moi j’ai pris le point de vue de la structuration du dispositif national de la formation et il est évident que chaque action, enfin chaque phase de la formation continue, comportera des retours sur le terrain, etc. L’idée c’est de garantir aux enseignants un droit à se former, ensuite sur, je n’ai pas du tout voulu rentrer dans les techniques, de même que je n’ai pas voulu rentrer dans la question des contenus, est-ce qu’il vaut mieux former les enseignants à introduire la division en telle année ou de telle manière, ça me parait pas être le fond du sujet à traiter ici. Donc, évidemment, oui je suis d’accord avec ce que tu as dit, mais je ne suis pas d’accord avec cette idée de démultiplication, ça c’est que j’appelle la formation continue exponentielle, c’est la formation continue qui a un développement exponentiel et qui ne coûte rien. Prenez quelqu’un d’extrêmement compétent qui a mis au point un plan de formation géniale et qui a eu les labels, pairform@nce et tout ce qu’on veut, le meilleur enseignant qui soit bardé de tous les titres universitaires en mathématiques, en didactique, en science de l’éducation, histoire et en épistémo, entouré d’une équipe de fer, ce gars-là doit accueillir dix personnes. Ces dix personnes, la semaine suivante ou le mois suivant, vont accueillir chacune dix personnes auxquelles elles vont répercuter le message du maître et ainsi de suite et, évidemment, nous sommes mathématiciens et nous savons que, très rapidement, ceci aboutira à une formation énorme. Bon, juste je me pose des questions sur la qualité de la formation qui va être reçue par un malheureux qui est au bout de la chaîne. Moi, je suis fondamentalement, bon, bien sûr, il faut que ça passe par des choses comme ça mais bâtir un dispositif national, c’est une grande cause nationale, bâtir un dispositif sur cette idée qu’on a pouvoir faire la démultiplication je pense, vraiment que c’est pas une bonne chose, pas du tout.
Janine Reynaud :
Ce que je voulais dire c’est que cette démultiplication va permettre, non pas de démultiplier en chaîne les actions de formation mais de faire en sorte qu’avec un seul pas de démultiplication, les personnes qui ont pu travailler sur des groupes I.R.E.M. alimentent ensuite la réflexion qui est conduite sur de nombreuses années à l’intérieur de groupes ressources, comme par exemple des groupes ressources 1er degré qui ont la responsabilité de formations et la charge du conseil pédagogique.
Roland Hubert :
Juste un mot par rapport à votre question. Evidemment qu’il faut travailler l’articulation entre le temps de cours et le temps de classe et la formation continue. Je n’ai pas développé tout à l’heure, mais le partenariat S.N.E.S.-C.N.A.M. et sur lequel on est en train de travailler est typiquement inscrit dans cette démarche. Il s’agit de construire un outil qui permette à une équipe de « reprendre la main sur le métier ». On a commencé avec des équipes disciplinaires. C’est un travail tout au long de l’année, d’analyse des pratiques, de retours avec un chercheur, etc., On a ainsi construit un outil. On se heurte maintenant au problème de la diffusion de cet outil, toujours avec un référent chercheur. On est passé à une 2ème phase, non plus sur une équipe disciplinaire mais sur une équipe interdisciplinaire, c’est-à-dire sur une équipe autour d’une classe en gros. Une publication des travaux est prévue dans les mois qui viennent.
Je partage tout à fait ce qui a été dit sur la démultiplication, je pense effectivement que l’on ea beaucoup souffert à l’occasion de la mise en place de certaines réformes, de ces espèces de formations en cascade. On prend une personne par établissement on lui donne, je m’excuse de caricaturer un peu, la bonne parole et à charge pour elle d’aller la porter dans l’établissement. Ça ne nous convient absolument pas.
Suite et fin de la table ronde : intervention, question et réponse
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