Dans nos recherches en didactique des mathématiques, nous abordons la question des
apprentissages des élèves en classe par l’intermédiaire des activités mathématiques qui leurs sont proposées. L’enseignement d’un contenu donné va alors être caractérisé en relation avec ces activités : nous analysons tout ce qui peut contribuer à définir les activités proposées aux élèves, c’est-à-dire les contenus mathématiques en jeu, leur organisation, les tâches proposées aux élèves mais aussi les déroulements organisés et, de ce fait, les discours des enseignants qui modulent ces activités.
Dans cette contribution, nous souhaitons rendre compte des réflexions du groupe IREM de
Paris 7 sur l’introduction de la notion de paramètre auprès des élèves, à partir de la classe de seconde, en utilisant les potentialités des outils informatiques, et dans l’objectif de préparer ces élèves à la nouvelle épreuve expérimentale au baccalauréat.La notion de paramètre est importante du point de vue de l’expérimentation en mathématique et revient sur le devant de la scène dans les activités mathématiques des élèves lorsque ceux-ci travaillent sur les logiciels de géométrie dynamique notamment : chaque déplacement de figure où un certain nombre de propriétés sont conservées correspond plus ou moins à un pilotage de paramètres et ne pas affronter ouvertement cette notion correspondrait essentiellement à utiliser des logiciels de géométrie dynamique sans exploiter les possibilités de déplacement.
Cette notion de paramètre n’est cependant pas une notion facile d’accès pour les élèves, dont certains parfois sont à peine passés en classe de seconde de démarches arithmétiques pour la résolution d’exercices à des démarches algébriques. C’est une notion qui à la fois généralise ce que les élèves ont déjà à leur disposition, unifie ce qui jusque là pouvait être traité indépendamment et enfin formalise différemment ce que les élèves savent déjà faire de façon réduite : il y a en effet un « accident » entre le maniement des lettres désignant des variables dans les expressions et le maniement des lettres désignant les paramètres dans ces mêmes expressions. La potentialité des logiciels de géométrie dynamique pour l’acquisition de cette notion de paramètre réside en particulier dans ce que les gestes (manipulations) associés au pilotage des paramètres ne sont généralement pas les mêmes que ceux associés au pilotage des variables algébriques usuelles. Par exemple, dans le logiciel géogébra, le déplacement d’un point sur une courbe définie par une fonction x -> f(x) est lié au pilotage de la variable indépendante x tandis que le pilotage des paramètres dont peut éventuellement dépendre la fonction f se fait par le déplacement d’un curseur clairement identifié.
La prise en main des fonctionnalités des logiciels, par exemple celle du curseur dans
GeoGebra, doit donc être « orchestrée » par le professeur et articulée avec l’appropriation par les élèves de la notion de paramètre. D’un autre point de vue, cela signifie que cette prise en main des fonctionnalités du logiciel (associées à la notion visée de paramètre) n’est pas une perte de temps didactique dans la classe puisqu’elle permet justement l’appropriation de cette notion par les élèves dans un processus de genèse instrumentale.
Par ailleurs, l’objectif de la préparation de ces mêmes élèves à l’épreuve expérimentale au
baccalauréat suppose l’accession à un certain degré d’autonomie des élèves, c’est-à-dire à nos yeux que ces élèves doivent être en mesure de mettre correctement en fonctionnement des connaissances mathématiques, appelées non nécessairement de façon explicite, dans des applications non nécessairement immédiates. Les réflexions dans notre groupe ont amené à un certain nombre de conditions nécessaires pour garantir un esprit de l’épreuve
expérimentale qui ne soit pas dénaturé et qui permettent notamment une activité
expérimentale intégrant les technologies et intéressante pour les élèves :
- des sujets épurés, facilement compréhensibles et appropriables par tous pour permettre la
mise en activité de chacun des élèves, sans une aide préalable et dès le début des
observateurs ; - une conjecture qui dans ces sujets ne s’impose pas d’elle-même ou du moins qui ne peut-être que partiellement mise en évidence par l’exploration sur le logiciel, et donc qui appelle un travail papier crayon pour être complétée ;
- enfin un travail exploratoire et un travail dans l’environnement papier-crayon qui se
renvoient l’un l’autre au sens où la partie exploratoire guide pour prouver en papier crayon la conjecture et la compléter et où, en retour, le résultat du travail en papier crayon peut être validé par une vérification sur le logiciel.
Ces trois conditions ne sont bien sûr pas garantes à elles seules d’activité mathématique de
type expérimentale chez les élèves (traduire, introduire, interpréter, changer de
cadre/registre/point de vue…) mais aident à s’en approcher. Comme nous l’avons signalé dès le début de cette contribution, le déroulement des séances en classes ou des épreuves
proprement dites, et notamment le discours des enseignants ou des évaluateurs modulent les activités proposées par les sujets, généralement dans le sens d’un appauvrissement de ces activités.
Dans les exemples que nous allons proposer ci-dessous, nous avons essayé d’adapter des
sujets de la banque 2007, au niveau des classes de seconde, première, et terminale. Ces sujets mettent ouvertement en jeu la notion de paramètre, dès la classe de seconde. Nous avons essayé de faire des propositions organisées pour comprendre comment peut se jouer
l’orchestration par le professeur des genèses instrumentales des élèves, c’est-à-dire la prise en main progressive des fonctionnalités des logiciels associées à l’appropriation de la notion de paramètre. Enfin, nous avons essayé de progresser vers des sujets qui remplissent les
conditions que nous avons énoncées plus haut et qui sont pour nous garantes d’une activité
mathématique de type expérimentale chez les élèves. La question de l’évaluation de cette
activité, et notamment de l’articulation de cette évaluation avec le discours des enseignants et des observateurs qui la modulent est repoussée dans un autre texte, bien qu’importante.
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