Réponse à la consultation sur le projet de programme ISN de terminale S

lundi 4 avril 2011
par  Barthel, Michel
popularité : 32%

Réponse de la CII lycée à la consultation sur le projet de programme de la spécialité Informatique et Sciences du Numérique en terminale S

Ce document a été inclus dans la réponse adressée par l’Assemblée des Directeurs d’IREM, au titre de la consultation sur les projets de programmes de terminales (S et ES/L).


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Réponse_consultation_ISN

Commentaires

Logo de Raoul Dandresy
samedi 17 septembre 2011 à 14h44 - par  Raoul Dandresy

Bravo pour cette belle synthèse. Avez-vous lu 2+ 2 = 5, de nouvelles mathématiques pour une nouvelle société ( 1977) et La perversion mathémathique ( 1985) d’Upinsky qui avait démonté le mécanisme de destruction des mathématiques et sa finalité, il y a 25 ans ?
N’a-t-on pas du tout réintroduit les cas d’égalité des triangles ? Et y a-t-il une étude synthétique sur l’enseignement actuel de la géométrie ?
Merci.

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vendredi 15 avril 2011 à 13h43 - par  rudolf Bkouche

+Remarques sur les programmes de mathématiques des lycées.

Les programmes de terminale achèvent la réforme des programmes de mathématiques de lycée, et le mot « achève » doit être ici pris dans tous ses sens.
Alors que l’enseignement des mathématiques se porte mal, et pas seulement au lycée, on décide de refaire des programmes de lycée dans le cadre d’une réforme destructrice de l’enseignement et en ce sens les programmes de mathématiques de ce nouveau lycée s’insèrent bien dans ce projet destructeur.
Je ne reviendrai pas sur l’histoire de l’enseignement des mathématiques marqué par la réforme des mathématiques modernes et assassiné par les contre-réformes qui ont suivi. A un enseignement considéré comme trop abstrait, sans préciser ce que signifiait le terme « abstrait », on a substitué un enseignement que l’on a voulu concret, sans plus préciser ce que signifiait le terme « concret ».
Sous prétexte que faire des mathématiques c’est résoudre des problèmes, on a réduit l’enseignement des mathématiques à un ensemble disparate d’activités sans chercher aucune cohérence globale. Le résultat est que les programmes sont devenus une accumulation de bribes de savoir sans aucune vision globale.
On n’a pas parlé des programmes de collège dont la partie « géométrie » a perdu sa consistance depuis qu’on a supprimé les cas d’égalité des triangles d’une part, et que l’on a oublié d’énoncer le postulat des parallèles d’autre part. Il est vrai qu’on a ajouté, pour faire moderne, la notion de transformation dans un cadre dans lequel elle n’a aucun sens. Ainsi à la réforme des mathématiques modernes que l’on peut considérer comme une caricature de Hilbert-Bourbaki on a substitué une caricature du Programme d’Erlangen de Klein ; mais si la réforme des mathématiques modernes, aussi critiquable soit-elle, contenait des mathématiques, les contre-réformes qui ont suivi ont conservé le « moderne » en oubliant les mathématiques.
Les diverses réformes qui se sont succédées depuis la réforme Chevènement n’ont été que des allègements de programmes au service d’une réussite factice des élèves, centralité de l’élève oblige. A des allègements permanents s’est ajouté la fascination de l’informatique avec l’introduction de logiciels ad hoc et, en ce qui concerne les derniers programmes, l’introduction d’un enseignement de l’algorithmique réduit à sa seule part informatique, comme si l’algorithmique était une conséquence de l’informatique. Dans les faits, on passe à la fois à côté des mathématiques dont on proclame qu’elles se sont transformées avec l’informatique et à côté de l’informatique que l’on réduit à un gadget pédagogique.
A côté de ces remarques générales, je voudrais préciser quelques points.
Même réduit aux trois années de lycée, un programme doit être cohérent, ce qui exige, d’une part de le penser sur les trois années de lycée avant de le découper, ce qui n’a pas été fait, d’autre part de définir de façon explicite les filières et leurs objectifs. Il ne semble pas que ce dernier travail a été fait.
En ce qui concerne l’enseignement scientifique, on a gardé la filière S avec les enseignements dits de spécialité, lesquels cassent la cohérence de l’enseignement de chacune des trois disciplines scientifiques enseignées : mathématiques, sciences physiques et chimiques, science de la vie et de la terre. Toute réforme consistante exige de revenir aux filières C et D, autrement dit « mathématiques élémentaires » et « sciences expérimentales », en en précisant les objectifs. Sous prétexte de mettre fin à cet effet pervers qui consistait à envoyer les meilleurs en C et les autres en D, on a fait semblant de construire un pot commun, les enseignements de spécialité réintroduisant les filières de façon sournoise.
Mais il est vrai que le souci de cohérence a disparu de l’enseignement. L’enseignement se réduit, comme cela a été dit ci-dessus, à la distribution de quelques bribes de connaissances permettant à chacun de devenir un bon rouage de la machine économico-sociale, la question de l’émancipation via l’instruction est aujourd’hui bien oubliée. Mais il est vrai que la société dite de la connaissance semble ne pas avoir besoin de développer l’instruction puisque, paraît-il, le savoir est à la disposition de tous via Internet. Ainsi ces merveilleuses machines inventées par la modernité scientifique et technique sont réduites à l’état de gadget pour n’être plus que des leurres de savoir. En ce sens l’enseignement est bien adapté à la société dite de la connaissance. Pour parodier l’un des grands auteurs du XXe siècle, on pourrait dire : « la connaissance, il y a des machines pour cela ».
Que dire alors sur les contenus ? Il n’y a aucune possibilité de rattrapage des programmes actuels, ils sont mauvais, volontairement mauvais.
Un exemple : la géométrie. Les premiers projets de programme de seconde réduisaient la géométrie à la seule géométrie analytique, ce qui est une aberration. Qu’est-ce que la géométrie analytique ? une méthode pour résoudre des problèmes de géométrie, ce qui suppose une connaissance préalable de la géométrie élémentaire. Nous avons dit ci-dessus la faiblesse de l’enseignement du collège. La réduction de l’enseignement de la géométrie au lycée à la seule géométrie analytique ne peut que renforcer la méconnaissance de la géométrie par les élèves.
J’ai parlé plus haut de programmes volontairement mauvais. Un exemple montrera cette mauvaise volonté. Après les premières propositions de programmes pour la seconde des universitaires lillois ont lancé une pétition pour enseigner la géométrie. La réponse de l’Inspection Générale relève du cynisme. Le doyen de l’IG d’alors avait déjà expliqué, dans un interview, qu’il était contre les vecteurs, mais il ajoutait, en bon démocrate, que si la majorité voulait des vecteurs, il y aurait des vecteurs ; et en effet il y a eu des vecteurs. Si vous lisez la définition des vecteurs dans le libellé des programmes de seconde, vous y trouvez d’abord une définition qui n’a aucun sens, ensuite, compte tenu de la non énonciation du postulat des parallèles, l’impossibilité de démontrer les propriétés élémentaires du calcul vectoriel. On a depuis longtemps oublié, et cela depuis la réforme des mathématiques modernes, que les vecteurs permettaient de représenter les grandeurs orientées. Mais si lors de la réforme des mathématiques moderne qui réduisait la géométrie élémentaire à un chapitre de l’algèbre linéaire, l’identification des vecteurs et des translations avait un sens, même si ce sens restait inaccessible aux élèves, depuis la contre-réforme on ne sait plus de quoi on parle et la définition des translations dans le libellé des programmes de seconde est ridicule. Réaction puérile de qui est obligé de faire une concession qu’il ne voulait pas et qui la sabote, mais cette réaction, aussi puérile soit-elle, relève de la faute professionnelle lorsqu’il s’agit de l’Inspection Générale.
On pourrait continuer, mais à quoi cela sert-il d’analyser ces mauvais textes qui réduisent les mathématiques à du vide. Il est vrai qu’on peut trouver des parties intéressantes, mais c’est l’ensemble qui est mauvais et la seule réponse responsable est de dire que ces programmes sont mauvais, à la fois sur le plan mathématiques et sur le plan de leur enseignement.
Si on veut aller jusqu’au bout, il faudrait exiger de l’Inspection Générale de s’expliquer sur sa démission. On peut être en désaccord sur des programmes, mais ici il ne s’agit pas de désaccord. On peut considérer les programmes du lycée comme une forme de sabotage ce qui conduit à demander aux garants de l’enseignement que sont les Inspecteurs Généraux les raisons de leur acceptation de ce sabotage.
La position des IREM me semble claire, c’est un refus et une condamnation de ces programmes, ce qui pourrait conduire d’une part à une lettre ouverte au ministre et d’autre part à une lettre aux Inspecteurs Généraux de Mathématiques.
Mais il importe aussi de mettre en avant la continuité de la politique de l’Education Nationale depuis trente ans, que les réformes soient celles de la gauche ou celles de la droite. Les programmes actuels sont la suite logique de la réforme Chevènement et de la centralité de l’élève mise au goût du jour par la loi Jospin. Les suivants, de toutes obédiences, ont continué la même politique.
Ce que je dis ici pour les mathématiques concerne aussi les autres disciplines.

rudolf bkouche
professeur émérite de mathématiques
université de Lille
ancien directeur de l’IREM de Lille

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