Participants : Joëlle Bailet (directrice I.R.E.M. de Rennes), Frédéric Clerc (directeur I.R.E.M. de Paris Nord), René Cori (rapporteur, ancien président de l’A.D.I.R.E.M.), Alex Esbelin (directeur I.R.E.M. de Clermont-Ferrand), François Moussavou (C.I.I. Lycée professionnel), Frédérique Plantevin (directrice I.R.E.M. de Brest), Jean-Pierre Raoult (Président du Comité Scientifique des I.R.E.M.), Nicolas Saby (Président de l’A.D.I.R.E.M.), Catherine Taveau (CO.P.I.R.ELEM [1]).
La question est formulée de la façon suivante :
Indispensables pour les P.E., les formations pluridisciplinaires ne sont-elles pas souhaitables pour les enseignants de mathématiques ? Comment les encourager et les mettre en place ?
Au cours de la dernière minute de notre atelier, nous nous sommes demandé de quoi nous avions parlé pendant les cinquante-quatre minutes précédentes et plus précisément qu’est ce que cela voulait dire pluridisciplinarité. Il y a deux façons d’entendre cela.
La première, c’est l’association ou la conjonction ou l’établissement de liens entre/de deux disciplines qui sont enseignées aux élèves et l’autre c’est la même chose mais pour des disciplines qui sont enseignées à l’université dans le cadre des formations initiales d’enseignants.
Nous avons décidé que c’était la première de ces deux accessions qu’il fallait adopter et du coup, la question qui est d’emblée mise de côte c’est : est-ce que lorsqu’on fait de la formation continue des professeurs de mathématiques, il faut associer à la discipline mathématiques les disciplines didactique des mathématiques, épistémologie, histoire des sciences etc.. ? La réponse est oui, cela va de soi et ce n’est pas cela que l’on entend par pluridisciplinarité ; par pluridisciplinarité on entend mathématiques et sciences de la vie et de la terre, mathématiques et français, mathématiques et physique, mathématiques et philosophie et tout ce que vous voudrez. Donc c’est de cela que nous avons parlé.
Nous avons évoqué la question de la formation des P.E. [2], P.L.P. [3] et des P.L.C. [4]. Evidemment cela ne se pose pas de la même façon dans ces trois cas.
Une conclusion, peut-être paradoxale, à laquelle on arrive assez rapidement, c’est que ceux qui vivent dans la pluridisciplinarité, c’est-à-dire les P.E. et les P.L.P. (ces derniers sont bivalents, ils sont des professeurs de math-sciences et les P.E. sont concernés par plusieurs disciplines), ceux-là sont peut être ceux qui ont le moins besoin d’une formation continue pluridisciplinaire, non pas tant qu’ils n’en aient pas besoin, mais P.E. et P.L.P. ont beaucoup besoin et d’une façon plus urgente d’une formation monodisciplinaire qu’il leur fait défaut pour des raisons différentes.
Les P.L.P. sont des professeurs bivalents mais ils ont été formés dans une seule discipline. Effectivement, le professeur qui a fait des études de mathématiques - une licence de mathématiques - qui est reçu au C.A.P.L.P. est ensuite amené à enseigner les mathématiques, la physique ainsi que la chimie, ce qui fait trois disciplines. Il a donc forcément des carences dans la discipline qui n’a pas été la sienne et du coup, a besoin d’une formation continue susceptible de combler des lacunes, de remédier (si on reprend la distinction entre formation continue pour remédier aux carences constatées et formation continue d’approfondissement de la matière enseignée et de l’acte d’enseigner, distinction évoquée lors des débats des tables rondes, ndat [5]) etc.… et c’est cela qui a été exprimé par notre collègue Moussavou qui participait à cette réunion.
La question pour les P.E. est de nature un petit peu différente ; c’est simplement la constatation que la formation initiale des professeurs des écoles comporte, pour une écrasante majorité d’entre eux, très peu voir pas du tout d’enseignement scientifique et encore moins d’enseignement de mathématiques et que il est probablement urgent, dans le cadre de la formation continue, de combler cela et de leur donner des éléments minimaux de mathématiques qui leur font défaut et ceci dit la formation, comme nous a expliqué Catherine Taveau, marche quand même mieux si elle est pluridisciplinaire même si l’objectif numéro un est d’apporter des compléments de formation en mathématiques.
Je reviens sur les P.L.P. pour lesquels une question importante est le lieu de cette formation continue. Nous n’avons pas hésité à nous placer dans les conditions idylliques où on obtiendrait des volumes de formation importants conformément aux propositions qui ont été faites au cours de ce séminaire. Il y a aujourd’hui au sein des I.U.T., des services de formation continue mais qui ne concernent que les disciplines technologiques et pas du tout les disciplines généralistes ; on pourrait envisager d’étendre cela aux disciplines généralistes et prévoir de la formation continue notamment en mathématiques au sein des I.U.T., en relation avec les disciplines technologiques, pour les enseignants de lycées techniques et professionnels. L’autre solution, qui est peut être plus réaliste parce que plus proche de ce qui se passe aujourd’hui, ce serait des formations dans les établissements. Nous ne sommes pas allés plus loin dans la réflexion sur ce sujet.
Notre collègue P.L.P. a souligné l’importance du lien avec l’activité dans les ateliers dans les lycées professionnels où les mathématiques interviennent comme outil important. Il a fait remarquer que les professeurs de mathématiques pouvaient, s’ils voulaient vraiment voir le lien entre la matière qu’ils enseignent et la façon dont elle est utilisée dans les autres cours, être amenés à aller voir eux-mêmes au sein des ateliers comment cela se passait. La démarche inverse étant essentiellement exclue de fait. Cela a une autre conséquence sur le métier de professeur de maths-sciences en lycée professionnel lors d’une mutation par exemple d’un lycée où on a essentiellement des gens qui font de la pâtisserie vers un lycée de chaudronnerie : la matière qu’il enseigne se trouve profondément transformée par cela. C’est un des éléments dont la formation continue devrait tenir compte. Dans le cadre de la réforme de la voie professionnelle, certains enseignements sont pluridisciplinaires d’une façon supplémentaire (par rapport à celle des disciplines classiques, traduite par la bivalence ou trivalence des enseignants) car liés à la spécialité professionnelle. Il s’agit de « l’enseignement général lié à la spécialité » pour lequel il n’y a aucune ressource pour l’instant. Les professeurs de maths-sciences sont très demandeurs de ressources et de formations qui pourraient les aider à prendre leur place dans cet enseignement.
Pour les P.E., l’objectif principal serait d’essayer autant que possible de combler les lacunes énormes des formations initiales. Il faut constater que beaucoup de professeurs d’école en exercice n’ont pas fait du tout de mathématiques entre la classe de seconde et leur arrivée à l’I.U.F.M. ils en ont fait un peu mais pas beaucoup au cours des deux années de formation initiale au sein de l’I.U.F.M. et que en général cela ne suffit pas.
J’ai cité une anecdote qui me paraît intéressante, non pas une anecdote mais un fait, c’est une collègue Marie-Jeanne Perrin pour ne pas la nommer, qui s’occupe de la formation des professeurs d’école à l’I.U.F.M. d’Arras, lors d’une conférence qu’elle a faite à l’I.R.E.M. de Paris VII déclaré dans l’annonce de sa conférence qu’elle considérait comme un objectif réaliste et raisonnable que tous les professeurs d’école aient une bonne connaissance et une bonne maitrise des mathématiques qui s’enseignent jusqu’à la classe de seconde ce qui, dans notre université prestigieuse a provoqué des réactions d’indignation de gens qui pensaient que c’était mettre la barre bien bas et ridiculement bas et qu’il fallait avoir des idées plus ambitieuses que ça et elle a répondu d’une façon assez juste, que si on pouvait déjà obtenir que tous les professeurs d’école aient une bonne maitrise de ces notions-là, ce serait pas mal. Je pense que mentionner cela situe à peu près le niveau du problème.
La formation continue des professeurs des écoles se fait souvent dans le cadre de la pluridisciplinarité par exemple mathématiques et technologie, art visuel, arts plastiques éventuellement français. Il y a un cas particulier sur les sciences sur lequel on n’insistera pas beaucoup mais les mathématiques sont de fait, sinon exclues du moins, légèrement écartées, de l’enseignement des sciences à cause de la présence de « La main à la pâte » - qui monopolise l’enseignement scientifique des P.E. sans inclure les mathématiques.
Si de telles formations pluridisciplinaires sont proposées, alors que les lacunes en formation disciplinaire sont bien connues, c’est que si on annonce une formation exclusivement consacrée aux mathématiques, les professeurs ne la choisissent pas et ne viennent pas, à moins qu’il ne s’agisse d’une formation vraiment courte. Il faut voir aussi que la notion de longueur varie suivant qu’on parle de formation de professeurs d’école ou de P.L.C. ; pour les professeurs d’école, un stage de quatre jours ou d’une semaine est un stage court. Pour attirer les gens et leur faire faire des mathématiques - malgré eux en quelque sorte - on annonce mathématiques et quelque chose. C’est plus un état des lieux, comme vous le voyez, qu’un projet qui pourrait se faire ; notre collègue Catherine Taveau a quand même insisté sur le fait que la priorité était de donner cette formation minimale en sciences et en particulier en mathématiques aux professeurs qui ne l’avaient pas du tout et que dans ces conditions c’était cela qu’il fallait privilégier dans la construction de formation à venir. Elle a affirmé que, selon elle, cette formation devait être obligatoire. Conclusion différente de celle à laquelle nous étions arrivés en ce qui concerne les P.L.C. et en général, dans l’atelier de ce matin (sur les dispositifs de la formation continue, ndat).
Quelques mots sur la formation pluridisciplinaire des professeurs de lycées et collèges. Ce qui marche bien, c’est la formation assurée par les formateurs de différentes disciplines à la fois, disons deux, s’adressant à des professeurs de ces disciplines-là, les deux disciplines étant également représentées. C’est extrêmement difficile à mettre en place, administrativement difficile et aussi psychologiquement difficile parce que ce n’est pas dans les moeurs, dans les habitudes, ni dans la culture des enseignants et même parfois de celle des inspecteurs généraux de ces disciplines que d’aller spontanément vers cette collaboration. Pourtant c’est extrêmement efficace surtout si cela s’appuie sur des expériences sur le terrain des établissements, d’enseignement en commun par les professeurs des deux disciplines. La pluridisciplinarité en acte, c’est à dire, des séances d’activités organisées conjointement par un professeur de mathématiques et un professeur de physique, par un professeur de mathématiques et un professeur de français etc.… c’est d’une extrême richesse, ça apporte beaucoup aux élèves, ça contribue à remettre en cause les cloisons que les élèves mettent entre les diverses disciplines - encouragés en cela par les professeurs et par l’institution scolaire - et ça ouvre des horizons importants. Mais aussi, ça suscite des inquiétudes bien entendu, car dès qu’on parle de ça on voit se profiler le spectre de la bivalence qui nous menace, qui plane au dessus de nos têtes. On va demander peut être à court terme aux professeurs d’enseigner deux matières et éventuellement vouloir les former pour cela. Pour répondre à cela, on peut s’appuyer sur les quelques expériences qui existent, pour dire l’avantage énorme que procure l’expérience que j’ai décrite avant c’est-à-dire deux enseignants de disciplines a priori étrangères l’une à l’autre - comme peuvent l’être le français et les mathématiques - présents en même temps dans la classe pour pouvoir faire faire aux élèves des activités communes aux deux disciplines, une même activité , donc, qui met en jeu les deux disciplines. C’est d’une richesse incomparable et ce ne sera jamais remplacé par la présence d’un unique professeur ayant à prendre en charge les deux disciplines. Et c’est vrai pour tous les couples de disciplines que l’on peut imaginer.
Nous avons parlé des T.P.E. comme exemple évidemment de pluridisciplinarité , pluridisciplinarité dans lesquelles la plupart du temps les professeurs de mathématiques ne trouvent pas vraiment leur compte parce qu’ils trouvent que leur discipline est plutôt mal servie par rapport à la discipline conjointe. Ils ont l’impression d’être seulement des fournisseurs d’outils, sortant au moment opportun la bonne potion ou la bonne formule etc.. et que finalement l’enseignement de la discipline n’en bénéficie pas du tout, en tous les cas pas autant que celle des disciplines conjointes ou partenaires. J’ai signalé à ce propos que l’association Animath se propose de favoriser les T.P.E. ayant des sujets qui mettent mieux en valeur les mathématiques et qui soient plus utiles en mathématique en fournissant des exemples de sujets. Car au fond il manque surtout des exemples de sujets permettant aux mathématiques de trouver leur compte. [6] On a aussi remarqué que les itinéraires de découvertes, Marc Fort l’avait dit hier, ont pratiquement disparu.
Nous n’avons pas parlé des thèmes de convergence qui étaient un peu sensé aussi être un territoire de la pluridisciplinarité ; je ne sais pas si on a des éléments de bilan mais je doute fort que les professeurs de mathématiques s’y retrouvent vraiment. En tout cas je n’ai pas entendu de réactions du genre « ah c’est formidable ! ».
Quand on fait des stages de formations pluridisciplinaires avec, dans l’équipe qui encadre, des mathématiciens et des spécialistes d’une autre discipline - je ne peux parler évidemment que de ceux je connais via les stages I.R.E.M., en l’occurence un stage maths/français - on constate qu’il y a un déséquilibre entre les disciplines dû à l’existence-même des I.R.E.M. et à l’implication d’universitaires dans l’activité des I.R.E.M. pour les mathématiques mais sans équivalent dans les autres disciplines et notamment en lettres. Ce déséquilibre est perçu par les professeurs quand ils viennent à ce stage parce que les collègues animateurs qui viennent pour le français sont essentiellement des professeurs du secondaire. L’analogue de l’I.R.E.M. côté universitaire en lettres - et dans les autres disciplines scientifiques - permettrait d’atteindre un équilibre souhaitable pour le formation continue et de lui apporter une sorte de « caution » de la communauté scientifique de la discipline en question.
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